Entourages n°78: les collabs parlementaires dans la tourmente des retraites • Les AP européens, un rouage démocratique • Recrutements • Nominations
La lettre des métiers politiques
Au sommaire de ce numéro 78 :
🇪🇺 Assistant parlementaire européen : plus que des “petites mains”, il s’agit d’un poste-clé pour la vitalité démocratique européenne, estime Mahaut Chaudouët-Delmas.
🔦 Dépôt d’amendements, préparation d’argumentaires, motion de censure, 49.3, manifestations : les collaborateurs parlementaires sur tous les fronts
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Assistant parlementaire européen, un acteur politique à part entière
La chronique de Mahaut Chaudouët-Delmas, ancienne conseillère politique, chargée d’études au Haut conseil à l’égalité.
L’évolution inédite des règles budgétaires pendant l’épidémie de la Covid-19 pour assurer les plans de sauvegarde des pays de l’Union, l’adoption du European Green Deal par la commission von der Leyen, la guerre en Ukraine : la repolitisation de l’Europe est en marche.
Dans ce contexte, et alors que leur importance est d’autant plus cruciale pour assurer la vitalité démocratique européenne depuis quelques années, quel est le rôle spécifique des collaborateurs parlementaires européens ?
Les petites mains de Bruxelles
À son élection, le député européen dispose d'une certaine somme pour recruter librement son équipe d'assistants. Il peut choisir deux à trois collaborateurs, ce qui est le plus courant, mais aussi plus s'il le souhaite, à condition de ne pas dépasser le montant de l'enveloppe parlementaire. Si l’on peut croiser d’autres assistants à Bruxelles, comme les assistants à la vice-présidence ou à la questure, ainsi que les prestataires et les tiers-payants, il en existe principalement deux types : les assistants parlementaires accrédités (APA), employés sous contrat direct avec le Parlement européen. Ils vont suivre les dossiers européens de leur député, préparer ses rapports et ses votes. Les assistants locaux, en circonscription, concluent, eux, des contrats de travail directement avec leur député, régis par la législation nationale, pour l’assister dans l’État membre dans lequel il a été élu. En raison justement de leur périmètre national, une certaine opacité a pu entourer ces collaborateurs locaux, à l’image des affaires des emplois fictifs qui ont agité le Rassemblement national et le MoDem ces dernières années. Ces scandales ont conduit à l’adoption de règles de transparence très strictes au sein des institutions européennes : obligation de recrutement d’au moins 25% d'APA, obligation pour ces derniers de résider à Bruxelles, adoption d’une grille de salaire avec 19 grades et d’un « code de conduite » des agents du Parlement européen, publication des noms de tous les collaborateurs par député sur le site du Parlement.
L’ambiguïté des métiers d’assistants européens
Qu’ils soient en circonscription ou en « centrale », les assistants parlementaires européens sont à la fois de véritables courroies de transmission essentielles à l’activité des élus, mais aussi assujettis à une subordination particulière. D’un côté, ils appartiennent aux coulisses d’une institution prestigieuse et particulièrement décisive dans la démocratie européenne, prennent part au jeu politique, concourent à l’élaboration de décisions majeures pour les citoyens de tout un continent. De l’autre, ils n’existent qu’à travers leur chef et n’opèrent que dans l’ombre, dans un esprit et un espace de travail parfois écrasant : assez symboliquement, on parle souvent des « dédales » de l’architecture parlementaire européenne qui, à Strasbourg comme à Bruxelles, se distingue par des formes rondes, ovoïdales, tournées sur elles-mêmes. Une vie endogène s’y crée : restauration, salles de presse, centre des visiteurs… On peut très souvent passer des journées, des semaines entières sans sortir du bâtiment, ou seulement pour aller se coucher - au risque d’une perte ou d’un transfert d’identité.
La détention de l’information, mission phare de l’assistant parlementaire européen
L’une des activités les plus importantes des collaborateurs parlementaires européens est la réception, le tri et le traitement des multiples sollicitations reçues par les députés européens. Or, ce qui caractérise la matière européenne, c’est sa très forte technicité, comme en témoigne, non sans humour, la série Parlement qui suit un jeune assistant parlementaire européen fraîchement engagé et complètement perdu dans les institutions et les règles européennes, tout autant que son patron. C’est ainsi que quasiment tous les assistants présentent un cursus poussé en études européennes, des compétences linguistiques, de très bonnes connaissances juridiques et politiques, et une expérience professionnelle en lien avec l’espace politique européen. On observe ainsi depuis quelques années un phénomène de professionnalisation des conseillers européens, qui explique l’augmentation progressive de l’enveloppe dédiée, qui a presque triplé depuis 2000. Cette importante qualification des conseillers européens fait aussi de ce métier un tremplin de choix vers des carrières prestigieuses dans les institutions européennes, notamment à la Commission.
Un poste-clé pour la vitalité démocratique européenne
Mais c’est surtout « sur le tas » et dans « l’informel » que se forment les assistants parlementaires européens : ils doivent informer leurs députés de l’ordre du jour, de l’actualité européenne, et plus particulièrement des explications de vote et du développement des dossiers sur lesquels leurs patrons se spécialisent au sein des commissions parlementaires, des intergroupes, de leurs groupes politiques et de leurs délégations nationales ; ils doivent aussi les aider à se saisir de rapports, à recevoir différents avis pour les rédiger, à déposer des amendements sur des propositions de directives, etc. Pour assurer ces missions, l’accès à l’information et l’échange avec les autres employés du Parlement est primordiale, a fortiori dans une démocratie européenne où tout est affaire de compromis, entre nationalités, entre couleurs politiques, entre groupes, pour obtenir des majorités sur les textes : le soft skill le plus important sans doute de l’assistant est donc de savoir créer des relations durables et étroites avec ses homologues, avec les stagiaires, les fonctionnaires, les élus, pour se former à la culture parlementaire. En somme, il collabore non seulement avec son élu, mais aussi avec tous les autres acteurs de l’institution européenne. En ceci, l’assistant parlementaire européen est bel et bien un acteur politique à part entière, qui dépasse les clichés et les pratiques de compétition, de rivalité, voire de traîtrise usuellement prêtés aux métiers politiques : il devient un agent essentiel de l’intérêt général et de la conciliation.
Vous pouvez lire l’interview d’Antoine Schibler, collaborateur parlementaire de Christophe Grudler au Parlement européen sur notre page LinkedIn
Sur le sujet, on peut aussi consulter “Assistant parlementaire au Parlement européen : un tremplin pour une carrière européenne”, de Sébastien Michon, directeur de recherche au CNRS, qui a publié de nombreux textes de référence sur les métiers politiques.
Réforme des retraites : les collaborateurs parlementaires dans la tempête
La réforme des retraites a représenté un moment intense pour les parlementaires. Dépôt d’amendements, préparation d’argumentaires, motion de censure, 49.3, manifestations… Les événements se sont enchaînés depuis le début de l’examen du projet de loi. Si les députés et le gouvernement étaient en première ligne de cette bataille législative, leurs collaborateurs n’étaient pas en reste. Surcharge de travail, militantisme, stress… Emma Fourreau, Maxime Torrente et Eugénie Barron décrivent leur quotidien durant cette période.
« J’étais dans l’hémicycle le jour du 49.3 »
« Nous en sommes sorties bouleversées » confie Eugénie Barron, collaboratrice du député Éric Poulliat (Renaissance). Si les collaborateurs parlementaires n’ont que rarement accès à l’hémicycle de l’Assemblée nationale, au moment du 49.3, Eugénie Barron y était.
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(excusez-nous de l’interruption, mais c’est important)
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