Entourages n°57 - Police municipale et directeur de cabinet : quelle autorité, quelles pratiques ? Budget, espionnage, com'publique, recrutements et nominations
La lettre des métiers politiques
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Au sommaire de ce numéro :
🚨 Quel rapport entre le directeur de cabinet et la police municipale ? Le droit et la pratique
💸 Budget des communes 2023 : que font les intercommunalités ?
🗣 À Rennes "tout travail mérite salaire", la ville indemnise les prestataires rejetés pour chaque marché de #compublique
🕵♀️ Les espions, amateurs de collaborateurs ?
▶ Recrutements
▶ Nominations
Police municipale : l’autorité du directeur de cabinet du maire en question
Quel est le cadre juridique de la relation entre directeur de cabinet d’une commune et la police municipale ? Peut-il exercer une autorité directement, ou à travers une délégation du maire ? Les réponses de Thomas Chevandier, Avocat à la Cour.
Le fondement légal de l’autorité du maire sur les agents de la police municipale découle des dispositions de l’article L. 511-1 du code de la sécurité intérieure, qui dispose que : « Sans préjudice de la compétence générale de la police nationale et de la gendarmerie nationale, les agents de police municipale exécutent, dans la limite de leurs attributions et sous son autorité, les tâches relevant de la compétence du maire ».
L’article R. 515-5 du même code se veut plus précis en ce qu’il rappelle que « sous réserve des règles posées par le code de procédure pénale en ce qui concerne leurs missions de police judiciaire, les agents de police municipale sont placés, dans leurs missions de police administrative, sous l'autorité hiérarchique du maire de la commune qui les emploie ou auprès duquel ils sont mis à disposition ».
Si le rattachement des services de police municipale au maire ne fait guère de doute, la question des modalités d’exercice de l’autorité hiérarchique, et notamment de sa délégation, se pose. Et, tant du côté du régime de la délégation de fonction ou de signature du maire (1), que de celui de la mise en œuvre des principes de droit de la fonction publique territoriale (2), une conclusion s’impose : le directeur de cabinet du maire n’est pas habilité à avoir une autorité hiérarchique sur les services de police administrative.
1. Sur la délégation du maire
À ce stade, la question se pose de savoir dans quelle mesure cette autorité hiérarchique du maire peut être déléguée à son directeur de cabinet. Sur ce point, les modalités de délégations du maire sont doubles :
- d’un côté, il peut déléguer certaines de ses fonctions à des membres de son Conseil municipal, dans les conditions précisées à l’article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales (CGCT) ;
- de l’autre, il peut donner délégation de sa signature à des agents, à savoir le directeur général des services (DGS), son adjoint, le directeur des services techniques et les responsables de services, dans les conditions fixées à l’article L. 2122-19 du CGCT, ce qui exclut toute délégation de signature du maire au directeur de cabinet, en dehors du cas spécifique des communes de Paris, Lyon et Marseille (voir CE, 16 septembre 2005, req. n° 280202).
Au surplus, l’article 2 du décret n°87-1101 du 30 décembre 1987 dispose très clairement qu’il revient au DGS de diriger l’ensemble des services de la commune et d’en coordonner l’organisation, sous l’autorité du maire.
L’autorité hiérarchique du directeur de cabinet sur le service de police municipale est donc exclue sur la base de ces premiers fondements.
2. Sur l’application des principes du droit de la fonction publique territoriale.
En outre, les dispositions relatives aux statuts des agents territoriaux et des collaborateurs de cabinets tendent à confirmer cette exclusion.
Les collaborateurs de cabinet sont des agents contractuels régis par le décret n° 88-145 du 15 février 1988, sous réserve du dispositif réglementaire qui leur est propre fixé par le décret n° 87-1004 du 16 décembre 1987 relatif aux collaborateurs de cabinet des autorités territoriales. Ce dernier texte prévoit que la qualité de collaborateur de cabinet d’une autorité territoriale est incompatible avec l’affectation à un emploi permanent d’une collectivité territoriale. Ainsi, selon les services de l’Etat, « la fonction de membre de cabinet implique un rapport de confiance particulièrement étroit avec l’autorité territoriale, et une participation directe ou indirecte à l’action politique à laquelle le principe de neutralité des fonctionnaires et des agents publics dans l’exercice de leurs fonctions fait normalement obstacle » (ministère de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, réponse à la question écrite du sénateur JL Masson, publiée au JO Sénat le 18 mars 2021, page 1826).
Il en résulte une distinction de principe entre d’un côté les emplois relevant de la hiérarchie de l’administration, et de l’autre, les emplois de cabinet (voir notamment CAA Lyon, 29 juin 2004, n° 98LY01726).
Dès lors, comme le rappelle l’Etat, « le cabinet n’a pas vocation à gérer lui-même les services administratifs de la collectivité locale, ce rôle étant dévolu au directeur général des services » (réponse à la question du sénateur Masson précitée).
Pour clore le débat, tout en rappelant la distinction entre direction opérationnelle de la police municipale et direction du service, le ministère de l'Intérieur a répondu comme suit à une autre question parlementaire :
« Il convient de distinguer la direction opérationnelle des agents de police municipale, qui relève du directeur ou du chef de service de police municipale, et la direction du service auquel est rattachée la police municipale, qui appartient au directeur général des services, à ses adjoints voire éventuellement à un cadre administratif, et sous l'autorité desquels est placé le directeur ou le chef de service de police municipale » (ministère de l'Intérieur, réponse à la question écrite du sénateur D. Gremillet, publiée au JO Sénat le 23 mars 2018, page 4338).
Il résulte de ce qui précède, au regard des principes liés à la délégation de fonction ou de signature du maire, à l’entendue des compétences du DGS et à la préservation de la neutralité politique des agents, que le directeur de cabinet ne peut avoir autorité sur les agents de police municipale. Seul le DGS, ou un agent identifié à l’article 2 du décret du 30 décembre 1987, peut avoir une autorité sur ces services, qui exclut au demeurant toute direction fonctionnelle.
Thomas Chevandier, Avocat à la Cour
Cabinet Seban & Asssociés
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