Entourages n°56 : le déplacement d'un élu, casse-tête du collab ; comment Grenoble a géré sa "Convention pour le climat" ; recrutements, nominations
La lettre des métiers politiques
En politique, le déplacement est toujours un bouleversement
Les déplacements ont une portée extrêmement stratégique pour toute personnalité politique. Ils font d’ailleurs partie du quotidien de l’élu : qu’il souhaite conquérir ou consolider son électorat, apaiser ou prévenir certaines crises, observer ou ajuster le résultat des décisions qu’il a prises, entrer en campagne… bref les déplacements sont de véritables moments de cristallisation politique. C’est ainsi que certains déplacements “sur le terrain” font désormais partie des annales politiques : on se souvient par exemple de l’ancien président François Hollande sous la pluie en commémoration de l’île de Saint, ou de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, à la Cité des 4000 de La Courneuve. Les déplacements sont des moments d’exposition qui peuvent coûter cher comme rapporter beaucoup.
Pour le conseiller qui se déplace avec l’élu, c’est donc un moment de millimétrage absolu. Tout est calculé, photographié, anticipé, sans certitude que tout soit maîtrisé in fine… Cette opérationnalité, c’est une des grandes fonctions du collaborateur, qui prend selon l’endroit le nom de “chef de cabinet”, et qui ne saurait se réduire à un simple organisateur. En confrontant mon vécu avec celui d’autres nombreux collaborateurs dans le podcast Les Ombres (Slate.fr), j’ai compris que nous faisions face aux mêmes enjeux dans ces fameux déplacements.
Couteau suisse
Un élu est une personne qui par certains aspects ne s’appartient plus : il est en représentation quasi-permanente. Il a des rendez-vous toute la journée, doit participer à des réunions, à des inaugurations, faire des discours, rencontrer des personnalités étrangères… Or, c’est le rôle du collaborateur de garantir la pertinence et la cohérence de cette représentation quotidienne, qui assoit la crédibilité politique de la personnalité pour laquelle il travaille.
Si l’on a déjà évoqué la fonction couteau-suisse du collaborateur politique, celle-ci atteint alors sans doute son paroxysme. En effet, lors de ces déplacements, d’un côté, le collaborateur politique doit être extrêmement stratège, adopter un sens politique particulièrement fin pour monter les rencontres - qui, quand, pourquoi et pourquoi à tel moment -, il doit prioriser l’agenda, faire s’approprier le contenu du rendez-vous à son élu, calibrer le niveau d’interlocuteur, fluidifier les rapports avec les acteurs sur le terrain, encadrer les liens avec les journalistes, assurer le suivi des engagements pris. De l’autre, il est aussi celui qui porte le sac et le manteau de l’élu, s’assure de la bonne réservation des voitures, trains, restaurants et hôtels. De même, alors qu’on est indispensable à la préparation de ces moments que l’élu n’a pas le temps d’organiser, on est aussi invisible que lui est en représentation.
Mais le déplacement crée un autre paradoxe chez les collaborateurs : certains conseillers m’ont fait part de déplacements parfois très durs, comme l’incendie du camp de 1400 migrants de Grande-Synthe, où 300 chalets de bois ont été détruits. Les collaborateurs vivent alors une contradiction forte : celle d’être projetés dans une réalité tragique tout en se sentant responsable, parce qu’aux manettes. Dans le déplacement, le personnel politique expérimente l’impuissance fondamentale de son métier : ne pas pouvoir régler toutes les problématiques qu’il rencontre et qui sont sous ses yeux.
Une piqûre de rappel
En même temps, et contrairement à une idée reçue sur ce métier, les ombres des politiques doivent régulièrement sortir du travail en chambre : ces déplacements, ces moments de représentation sont des occasions de confronter ses idées au réel, voir comment sont reçues les positions qu’on fait défendre à son patron, rencontrer les gens, se ressourcer, se régénérer.
Parce que les déplacements sont des moments de confrontation, cela peut parfois même être violent : même “petite main” de l’ombre, on représente le pouvoir, on y est associé, et on fait l’objet de la même défiance. Dans la rencontre physique du déplacement, l’hostilité ou la colère à l’égard de la politique ou de certaines décisions peut s’orienter vers les collaborateurs qui en sont l’incarnation.
L’impact
Mais la plupart du temps, le déplacement est une illustration frappante de l’impact, du sens de son métier, de la pertinence des décisions auxquelles on participe, sur la vie des gens - qu’on ait planté un arbre, inauguré une nouvelle crèche ou créé un nouveau programme économique. Ce sont souvent des moments forts d'émotion politique, où l’on expérimente la force protocolaire de la République, et qui nous ramène souvent à la raison initiale de notre engagement politique : le sentiment de faire partie de plus grand que soi.
Mahaut Chaudouët-Delmas, ancienne conseillère politique, chargée d’études au Haut conseil à l’égalité.
Dans la suite de cette édition :
🙋♀️ Participation citoyenne : comment la métropole de Grenoble a mis en œuvre sa “Convention pour le climat”
💱 Budget 2023 : nouvelles missions, nouvelles charges. Vos témoignages.
👨🔧“Mon compte formation”, une sécurisation au détriment de la simplicité ?
📚 ”Le petit guide de l’amendement”
➡Recrutements
➡Nominations
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