Entourages n°49 : Comment le "Big Quit" touche les métiers politiques ?
La lettre des métiers politiques
Cette semaine :
🚀 Comment le “Big Quit” est-il vécu dans les métiers politiques ? Envie de changer, de plus de sérénité ? Le contexte s’y prête.
🔭Mahaut Chaudouët Delmas nous parle engagement, quête de sens et affaires publiques.
🎤Julien Perez (cabinet Quadra) et Baptiste Maurel (dircom du département des Pyrénées-Orientales) décrivent la fin d’un cycle, l’”état d’esprit d’une nouvelle génération” et les attentes de ceux qui changent de poste.
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Chronique
A l’heure du “Big Quit”, le métier de collab prend tout son sens
L’affaire Pénélope Fillon, les emplois fictifs du MoDem ou du Rassemblement national ont pu écorner l’image et interroger sur l’utilité du métier de collaborateur politique qu’on a pu s’imaginer opaque et vain.
Or l’écrasante majorité des professionnels de la politique ne sont animés que par une chose lorsqu’ils s’y engagent : le sens de ce métier. J’ai moi même travaillé en politique, parfois gratuitement, et toujours exclusivement pour ce qu’il suscitait en sentiment d’utilité, d'œuvre pour le bien commun, d’impact sur la vie des gens. En confrontant mon vécu avec celui d’autres nombreux collaborateurs dans le podcast Les Ombres (Slate.fr), j’ai compris que nous faisions face aux mêmes enjeux.
La folie des grandeurs
A rebours du phénomène de Big Quit - ou “Grande Démission” - qui voit aujourd’hui des millions de salariés quitter leur travail par quête de sens, le métier de collaborateur politique offre avant tout celui de se battre, au quotidien, pour des choses qui nous dépassent. Qui nous dépassent temporellement : avant - les décisions auxquelles on participe au jour le jour découlent d’arbitrages anciens, d’une mémoire et de personnalités politiques qui ont marqué l’Histoire ; - pendant - elles dépendent également d’un cadre déterminant, de négociations politiques, de climat social, de contexte médiatique, elles répondent à des enjeux collectifs urgents, imminents, ancrés dans l’actualité - ; et après - elles sont des réponses à venir, auront des conséquences à moyen, long termes.
Cette appartenance à plus grand que soi, ce sentiment de faire partie de l’Histoire, se retrouve rarement dans d’autres métiers.
Avoir de l’impact
Quiconque s’approche de près ou de loin de la chose politique et tente d’en influencer le cours devra forcément se confronter aux gens, dans la vraie vie. Lorsque vous travaillez auprès du Ministre de l’Economie et envisagez de remonter le taux du livret A, vous avez un impact sur des dizaines de millions de personnes. Lorsque vous accompagnez votre élu en soutien à des grévistes, que vous rédigez une feuille de route pour le Congrès d’un parti, ou que vous déposez des amendements à un projet de loi, le destin d’autres personnes, d’un groupe critique en général, vous appartient et vous guide. Travailler auprès d’un responsable politique permet d’avoir cette exposition-là, aux conséquences très concrètes sur la vie des gens. Il n’est d’ailleurs pas rare d’entendre que les collabs, notamment les assistants parlementaires en circonscription, sont aussi des “assistants sociaux”. Cette notion de lien avec les autres, d’incidence sur leurs existences, caractéristiques du métier de conseiller politique, tend d’ailleurs à se renforcer avec l’exigence de rapprochement des sphères politiques avec les sphères activistes, militantes, associatives, et l’ouverture à de nouveaux profils d’élus issus de ces sphères très engagées.
La passion des affaires publiques
Ainsi, et surtout, le métier de collab, n’est pas que tractations, trahisons, ou tactiques politiciennes pour faire gagner son camp, faire perdre l’autre, ou appliquer un agenda partisan. On cherche la plupart du temps et surtout les conquêtes concrètes, pragmatiques, statistiques, qui répondent à l’intérêt général et qui font la force, la richesse et la longévité du politique. Ce sont aussi ces victoires tangibles qui font l’unicité “morale” des collaborateurs, au-delà des étiquettes et des querelles de chapelle. J’en veux pour preuve le peu de rapports que les collabs que j’ai rencontrés, toutes appartenances confondues, entretiennent en fait avec le pouvoir. L’écrasante majorité d’entre eux sont exclusivement attachés aux projets qu’ils mènent, pour répondre tantôt à une région rurale confrontée à une perte de dynamisme démographique tantôt à l’aboutissement d’une politique écologique, qui relève parfois du parcours du combattant, comme le raconte l’ancien collaborateur ministériel Léo Cohen dans son ouvrage 800 jours au Ministère de l’impossible (ed. Les Petits Matins). Le sens du métier de “collab” finalement, c’est le sens que chacun peut donner à la chose publique - fonctionnaires, militants, assistants parlementaires, conseillers ministériels confondus. C’est cette passion, des affaires publiques, qui fonde leur sincérité et leur engagement.
Il n’est jamais inutile de rappeler que la politique en son acceptation large (politeia) est celle qui a trait au fonctionnement d’une communauté, d’une société, d’un groupe social. C’est ce bon fonctionnement que le collaborateur cherche, incarne, garantit, défend, et diffuse.
Mahaut Chaudouët Delmas, ancienne conseillère politique, rapporteuse au Haut conseil à l’égalité.
Elle vient de publier “Demain ne peut qu’être féministe”, aux éditions de l’Aube.
Fin de cycle pour les dircoms ?
« Je n’ai pas eu d’augmentation depuis dix ans. Mon équipe, et moi-même, avons travaillé 10 heures par jour durant le Covid. Annonces des mesures sanitaires, informations pratiques, diffusion des informations sur tous les supports municipaux, dialogues avec les citoyens, dix huit mois sous tension. Et n’avons reçu aucune prime, aucune reconnaissance de notre élu. Cela m’a décidé à partir vers d’autres cieux. Et j’ai trouvé rapidement un nouveau poste. » Ce directeur de la communication, qui a plus de vingt années d’expérience, n’est pas un cas isolé. Depuis plusieurs mois, le phénomène du « Big Quit » (« Grande Démission » en français) est confirmé par tous les acteurs. « J’étais récemment dans un colloque avec des cadres de cabinets de recrutement de 45 pays. Le constat était général : le Big Quit touche l’ensemble des pays du monde. La période post-Covid a rebattu les cartes, et a révélé l’état d’esprit d’une nouvelle génération de cadres, du privé comme secteur public » témoigne Julien Perez, directeur associé du cabinet de recrutement Quadra, spécialisé dans les affaires publiques.
« La recherche de performance professionnelle n’est plus la priorité. La nouvelle génération demande “quel est le projet ? Quel est le système de valeurs ? Correspond-il à mes valeurs ?” La rémunération n’est plus le critère majeur, mais la recherche d’un équilibre personnel » poursuit-il.
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