Entourages n°38: Savoir quitter la politique ; les cabinets "accélérateurs de carrière" ? nominations
La lettre des métiers politiques
Cette semaine dans Entourages :
☑Quitter la politique, la chronique de Mahaut Chaudouët Delmas
☑️Aurore Gorius : “Le passage en cabinet est vécu comme un accélérateur de carrière”
☑️Les nominations en collectivités et au gouvernement
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Quitter la politique : la démocratie, c’est chacun son tour
Quoi de plus grandiloquent qu’une figure qui quitte la politique ? C’est sans doute le seul milieu où les départs sont aussi solennels que les débuts. Ils peuvent être choisis: Benoît Hamon se retire de la vie politique en 2021 pour s’engager dans l’associatif qu’il trouve plus efficace pour changer les choses. Ou subis : Jérôme Cahuzac doit démissionner suite à un scandale financier, François Fillon suite au “Penelopegate”. Les adieux des grandes figures politiques restent dans les mémoires, du “au-revoir” grave de Valéry Giscard d’Estaing à la démission déchirante de Lionel Jospin. Ces moments ont fortement marqué l’histoire politique, voire radicalement influencé son cours.
Qu’en est-il pour les collaborateurs ? Ils sont dépendants des aléas politiques, des alternances, de la grande histoire des partis et des hommes. Dans l’ombre de ces moments médiatiques, que se passe-t-il pour eux ? J’ai moi même travaillé en politique, puis arrêté. En confrontant mon vécu avec celui d’autres nombreux collaborateurs dans le podcast Les Ombres, j’ai compris que nous faisions face aux mêmes enjeux et problématiques quotidiens. J’ai essayé d’en comprendre les raisons.
Plonger dans le vide
Lorsqu’on quitte la vie politique ou qu’on y est contraint, en tant que collaborateur, la première sensation que l’on éprouve, c’est celle du vide : le téléphone qui vibrait chaque seconde hier ne sonne plus, on sort des boucles, on ne fait plus partie du club. Les annonces politiques qu’on fabriquait chaque jour se poursuivent sans notre concours. Des gens qui vous identifiaient comme un interlocuteur important vous ignorent royalement le lendemain de votre départ, et vous ressentez cette angoisse vertigineuse de ne devoir votre existence entière qu’à la politique que vous n’exercez pourtant plus.
Faire face à ce vide, c’est un véritable défi pour l’ex-collaborateur : ça implique de changer de rythme quotidien, réapprendre à souffler, à s’ennuyer, à se détacher d’un monde qui continue pourtant de s’imposer au citoyen que l’on reste. C’est retrouver un travail avec moins d’amplitude, moins d’intensité, moins d’impact sur la vie des gens. Quitter l’alcool de la politique, après y avoir goûté, c’est, osons le dire, une véritable entreprise de désintoxication !
Quelle reconversion ?
Par ailleurs, en tant que collaborateur politique, on cumule les difficultés pour se reconvertir : en n’étant finalement qu’un prolongement direct de l’élu pour lequel on a travaillé pendant parfois des années, on n’a pas vraiment construit de carrière personnelle, nos compétences sont tellement variées qu’elles deviennent floues et difficiles à recycler. On a été une “petite main” pleine de responsabilités et de pouvoir, on a à la fois porté des manteaux et participé à des campagnes de plaidoyer nationales, on a écrit des lois comme posé des chevalets. Comment faire reconnaître à un employeur la diversité de ces tâches ? On a l’impression de savoir tout faire, et donc rien.
Par ailleurs, s’il est aussi difficile de se reconvertir après avoir travaillé dans l’ombre des politiques, c’est également qu’un ancien collaborateur fait l’objet d’autant de défiance que la politique elle-même. Dans la sphère professionnelle privée, non seulement il n’y a pas d’équivalent au métier de collaborateur, mais encore y a-t-il une représentation du politique comme quelque chose de dangereux, de sale, qui colore et extrapole toutes les qualités professionnelles qu’on a pourtant développées : capacités d’analyse, de rédaction, d’argumentation, d’organisation, de synthèse.
“La démocratie, c’est chacun son tour”
Le renouvellement des collaborateurs est pourtant nécessaire pour la santé démocratique. En restant collaborateur toute sa vie, sans respiration, on risque aussi d’être moins compétent, moins alerte aux bruits du monde qu’on nous demande de capter. La politique, ça n’est pas tant un métier qu’une mission, exactement comme c’est le cas pour un élu : il faut toujours essayer de confronter notre expérience politique à la vie non politique, garder cette dichotomie. C’est une condition pour que ce qu’on fait en politique soit toujours sourcé, trouve son appui dans la vie réelle, la vie des gens.
Pour permettre cette régénérescence démocratique, salutaire, il y a donc un vrai travail à faire dans l’accompagnement des collaborateurs, afin de favoriser les allers-retours entre la politique et le privé, afin de professionnaliser la fonction pour créer des équivalences fluides et vertueuses. Car, tout comme la politique a besoin de respiration, la société civile aurait bien tort de se priver de profils politiques !
Mahaut Chaudouët Delmas
“Le passage en cabinet est vécu comme un accélérateur de carrière”
Depuis plus de 10 ans, la journaliste Aurore Gorius écrit sur les coulisses du pouvoir : communicants, conseillers, lobbyistes… Ceux qui influent, et parfois élaborent la décision publique dans “l’enchevêtrement d’intérêts parfois obscurs, souvent opaques.” Son travail vient d’être regroupé dans la bande dessinée “A l’oreille des politiques”. Elle y démêle l’écheveau des parcours, des carrières, des réseaux, et des techniques de communication politique déployées depuis quarante ans en France.
Entourages : Vous travaillez depuis plus de 10 ans sur les coulisses de la politique. Comment voyez-vous le professionnalisation actuelle des entourages politiques ?
Aurore Gorius : Le passage en cabinet est vécu comme un accélérateur de carrière à part entière. Il y a des stratégies, plus fortement marquées qu'auparavant, pour se constituer un carnet d'adresses, de travailler sur des dossiers importants, aussi bien au niveau local que national, sur des réformes, des aménagements de territoires... Ce carnet d'adresses et la connaissance des rouages de la décision politique et des dossiers se "revendent" ensuite dans un autre poste dans le public ou le privé. On voit de plus en plus de collaborateurs qui font ces aller-retour public-privé. On est dans des logiques très professionnalisantes et de carrière. Ce qui pose la question centrale de l'encadrement des "pantouflages" et éventuels conflits d'intérêts. Comment encadrer cela, avec quelles limites ? Est-ce que les contrôles sont suffisants ? La HATVP rappelle dans son rapport annuel que le contrôle de ces "mobilités" lui demande plus de moyens.
-Cela ne correspond-il pas aussi à un affaiblissement des partis traditionnels ? Ils n'ont plus les moyens de salarier ces personnels, qui constituaient les cadres du parti.
Oui, le modèle même de parti s'affaiblit. On est sur des mouvements moins structurés, avec moins de moyens, qui se sont développés autour d'une personne. L'assise militante est plus faible, et les cadres ne peuvent plus retrouver un poste dans le parti ou obtenir des mandats locaux. Le maillage est beaucoup plus faible qu'avant, il offre moins de possibilités pour un collaborateur qui a fait un passage en cabinet de se recycler et de rester dans sphère publique, au service de l'action politique. Et le privé (lobbys, fédérations professionnelles, grandes entreprises) est très demandeur, avec des salaires conséquents.
-Vous abordez aussi la place occupée par les deux géants de la communication en France, Havas et Publicis. Vous avez le sentiment qu'ils ont encore gagné en influence ces dernières années ?
C'est une stratégie qui s'est installée assez tôt, chez Publicis comme Havas. Cela remonte déjà aux années 1980, Havas s'appelait Euro RSCG et fait la campagne de François Mitterrand. Cela ancre la tradition des grandes agences de communication qui font du marketing politique. Parce qu'être proche du pouvoir, c'est une carte de visite à vendre à leurs clients privés. Ce modèle est monté en puissance sans s'arrêter ces quarante dernières années. Ces grandes agences placent régulièrement des conseillers dans les cabinets. La République En Marche a par exemple beaucoup recruté chez Havas. Ces agences ont des relais dans toutes les sphères de pouvoir et tous les camps politiques, ce qui représente un vecteur d'influence considérable.
Propos recueillis par Fabrice Pozzoli-Montenay
A l’oreille des politiques
Aurore Gorius, dessins Vincent Mahé, 140 pages
Publié par Le Revue Dessinée et les Jours, 17€
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Le règlement de l’Assemblée nationale commenté
Que vous soyez collaborateur parlementaire ou député, vous ne pouvez pas ignorer cet ouvrage. Les contributeurs, sous la direction de Jean-François Kerléo, professeur à l'Université d'Aix-Marseille, commentent, chapitre par chapitre, le Règlement de l'Assemblée nationale. Ils passent en revue les droits et obligations du député, les subtilités de la procédure parlementaire et les modalités d'adoption de la loi. Un ouvrage indispensable à la bonne compréhension et à la connaissance des modes d'organisation et de fonctionnement du Parlement.
Pour le commander : https://www.lgdj.fr/le-reglement-de-l-assemblee-nationale-commente-9782275078465.html
Pourquoi et comment utiliser Instagram en compol ?
L’agence d’influence Influence4You publie une série de conseils et d’informations pour utiliser ce réseau social de façon professionnelle. Avec 24 millions d’utilisateurs en France, de nombreuses équipes de communication politique se sont emparées d’Instagram pour générer de l’influence. Relation avec les influenceurs, mesure d’audience, mais aussi fraude et achat de followers, l’agence aborde de nombreux aspects.
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Nominations
Collectivités
Camille Lachenaud a été nommée directrice de cabinet du président de Lamballe Terre et Mer, Thierry Andrieux (PS).
Bérangère Guilbaud-Rabiller est nommée cheffe de cabinet de la présidente du conseil départemental des Deux-Sèvres, Coralie Dénoues (DVD).
Marie Lombard est nommée directrice de cabinet du maire de Quetigny (21), Rémy Détang (PS).
Gouvernement
Xavier Daudin-Clavaud est nommé directeur de cabinet du ministre délégué en charge des collectivités territoriales, Christophe Béchu, et Julie Creuseveau cheffe de cabinet.
Naomi Peres est nommée directrice adjointe du cabinet de la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, Sylvie Retailleau, Louise Thomas-Vaillant, conseillère parlementaire, élus, prospective et discours, et Eddy Eon conseiller communication.
Claire Tholance est nommée conseillère parlementaire au cabinet du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, Marc Fesneau, et Victor Schmidt conseiller communication.
Mathilde Durieu du Pradel est nommée cheffe de cabinet de la ministre des outre-mer, Yaël Braun-Pivet, et Romain Pinchon, conseiller parlementaire et élus locaux. Christophe Parisot est nommé directeur adjoint de cabinet du ministre délégué chargé de l'Europe, Clément Beaune, et Antoine Malandain, directeur adjoint, en charge des politiques économiques et des transitions écologique et numérique.
Guillaume du Chaffaut est nommé directeur adjoint du cabinet de la ministre de la santé et de la prévention, Brigitte Bourguignon, et Mehdi Mahammedi-Bouzina, conseiller parlementaire.
Sarah Finkelstein est nommée directrice adjointe de cabinet en charge du pôle attractivité du ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l’attractivité, Franck Riester, et Anna Martins, cheffe de cabinet adjointe.
Céline Place est nommée directrice adjointe du cabinet de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, Catherine Colonna.
Matthieu Ellerbach est nommé conseiller auprès du ministre, en charge de la communication, au cabinet du ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, Manon Perrière, conseillère en charge des discours, Chrystel Hernio, conseillère en charge des élus, Grégory Canal, conseiller parlementaire, en charge de la Corse, et Sarah Erault-Roig, conseillère technique presse.
Mathilde Van Renterghem est nommée conseillère presse et communication au cabinet de la secrétaire d'État auprès de la Première ministre, chargée de la mer, Justine Benin.
Morgane Le Poul est nommée conseillère communication et presse du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, Pap Ndiaye.
Paul Quentin est nommé conseiller médias et communication adjoint au cabinet de la ministre de la transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher.
Valentin Ducros est nommé conseiller presse et communication du ministre de la justice Éric Dupond-Moretti.
Ce qu’ils/elles deviennent
Mathieu De Vlieger, collaborateur parlementaire au Sénat, est nommé consultant senior au pôle influence d’Havas Paris.
Jean-Marie Cabrière, ex-conseiller communication (2021-2022) de la ministre chargée de l’autonomie, est nommé directeur de la communication et de la RSE de Roche diagnostics France.
Charlotte Lang, ex-conseillère en charge du suivi de l’exécution des réformes de la ministre des Armées, est nommée responsable des affaires publiques France & Union européenne d’Arianespace.
Mathilde Frété-Blondin, collaboratrice de cabinet du maire de Roubaix depuis 2020, est nommée responsables des relations institutionnelles de la CCI Grand Lille.
Recrutement
Le conseil départemental du Lot cherche un.e collaborateur.trice de cabinet.
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