Entourages n°2 : Michel Sapin : “Non à la fusion de la HATVP et de l’agence française anti-corruption”
La lettre des métiers politiques - 17 septembre 2021 - n°2
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Michel Sapin : “Non à la fusion de la HATVP et de l’agence française anti-corruption”
L’ancien ministre de l’économie et des finances revient sur les questions de transparence, de corruption et de conflits d’intérêts qui étaient au cœur des “Lois Sapin” I et II. Seconde partie de notre interview exclusif.
- Vous êtes co-président de l'association Stop Corruption, comment voyez-vous le rapprochement de l'AFA et de la HATPV ?
Stop Corruption ne se positionne pas sur cette question, son objectif est de porter les valeurs de la lutte anti-corruption, d'organiser des événements, et de travailler avec le monde universitaire. Mais j'ai une opinion personnelle : je ne suis pas favorable à la proposition de fusion entre la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) et l'agence française anti-corruption (AFA), qui entraînerait une disparition de l'AFA. Cette proposition est portée Didier Migaud (président de l’HATVP), on peut comprendre une volonté d'extension de compétence, qu'on peut aussi qualifier d'"impérialisme". C'est repris par le rapport Gauvain : je pense que c'est une erreur. Une simplification par unification de compétences serait un bonne chose, et de ce point de vue la HATPV est parfaitement dans son domaine. Par contre, le plus gros travail de l'AFA, où elle a obtenu des résultats considérables, ce sont les questions qui touchent aux entreprises. C'est un tout autre domaine, un autre mécanisme, une autre matière, où la HATPV n'a ni compétence ni légitimité à agir. Je pense qu'il faut conserver le couple AFA/PNF, l'AFA en prévention, le PNF en poursuites, qui a montré son efficacité.
Je rappelle que lorsque le juge se prononce sur ces questions de corruption, un moniteur peut être nommé, pour vérifier que l'entreprise met bien en oeuvre les dispositions qui éviteront que les problèmes qu'elle a rencontré se renouvellent. Ce moniteur est placé sous l'autorité de l'AFA, il lui rend des comptes. C'est un progrès gigantesque par rapport aux dispositions précédentes ! Avant les Américains pouvaient nommer un moniteur qui rendait compte devant les autorités américaines, qui ne résistaient pas au plaisir d'avoir d'autres renseignements que ceux concernant uniquement les dispositifs de prévention de la corruption. Je vous laisse imaginer ce moniteur chez Airbus, rendant compte aux autorités américaines.
Le nombre de moniteurs est relativement limité pour l'instant, mais c'est un rôle de défense de l'indépendance nationale et de l'autorité des institutions françaises, et c'est un rôle que l'AFA est la seule à pouvoir jouer. Donc, non à ce projet de fusion.
- Faut-il renforcer les règles de déclarations d'intérêts des collaborateurs d’élus dans les Régions et collectivités territoriales ?
Il existe des dispositifs obligatoires, qui s'imposent aux grandes collectivités territoriales. Que ce soit des règles anciennes, en termes de transparence, d'organisation des marchés, ou des règles réactualisées sur la question des conflits d'intérêts, elles n'ont pas besoin d'être rappelées dans une nouvelle loi puisqu'elles existent et peuvent concerner les responsables de grandes collectivités locales.
Est-ce que les collectivités territoriales peuvent, comme l'Assemblée nationale ou le Sénat, mettre en oeuvre des dispositifs de transparence, de prévention des conflits d'intérêts pour leurs collaborateurs ou pour les principaux responsables de ces collectivités ? On peut se poser la question. L'Assemblée nationale et le Sénat se sont imposées des règles, dans un premier temps de manière libre. Certains aspects ont été repris en particulier dans la loi Sapin II, non pas les questions d'intérêt mais les questions de transparence dans les contacts qu'il peut y avoir avec des représentants d'intérêts. De ce point de vue, c'est une question de volonté dans chacune des collectivités territoriales : est-ce qu'elles souhaitent mettre en place ces mécanismes de transparence, de prévention ? L'interdiction de se trouver en situation de conflit d'intérêts est valable, la prévention par des mécanismes volontaires est encore meilleure : "il vaut mieux prévenir que guérir".
Il y a donc à une marge, que certaines collectivités locales ont franchi, ainsi que des obligations qu'elles se sont elle-même imposées en terme de transparence des agendas. Par exemple, la publication des rendez-vous pris par des élus. Cela pourrait aussi s'appliquer à de grands responsables des collectivités. Faisons la différence entre ce qui s'impose aujourd'hui, et qui doit être respecté, et concerne les responsables de collectivités territoriales, et des politiques de manière volontaire que ces collectivités peuvent mettre en place et qui sont souhaitables.
Propos recueillis par Fabrice Pozzoli-Montenay
Si vous n’avez pas lu la première partie de cet interview ⤵
Le petit robot qui suit les collaborateurs des Assemblées
Ce sont quelques lignes de code informatique qui ont pris l’apparence, un peu facétieuse, de Pénélope Fillon sur Twitter. Sous le nom de @Collab_Bot, ce profil diffuse les noms des nouveaux collaborateurs d’élus de l’Assemblée nationale et du Sénat, ainsi que les départs. Derrière le profil de CollabBot, on trouve François Malausséna, lui-même conseiller de groupe à l’Assemblée nationale. Il a conçu ce « robot » comme un outil de transparence. « Les réseaux d’information sont souvent plus compliqués pour ceux qui n’ont pas fait Sciences-Po Paris » a-t-il constaté lors de ses emplois au Sénat et à l’Assemblée nationale. Diffuser les départs de collaborateurs d’élus permet à de potentiels candidats d’être informés de la disponibilité d’un poste et de postuler. Quelques lignes de code Python, reliées à un programme mis en accès libre par l’association Regards Citoyens permettent de parcourir les pages des sites des Assemblées et de publier automatiquement sur Twitter les changements au sein des équipes des élus.
CollabBot n’est pas parfait, des erreurs peuvent se produire. Le principal problème vient le plus souvent de la saisie des informations : il suffit qu’un accent dans le nom soit modifié dans la base de données d’une Assemblée ou qu’un collaborateur change de contrat (de CDD en CDI), pour que le bot estime qu’il y a eu un « changement » et rediffuse un message. Il arrive que des collaborateurs refusent que leur nom soit diffusé, ou que l’arrêt du mandat d’un élu perturbe les données. De même, les comptes Twitter des collaborateurs suggérés par Collab_Bot ne sont pas fiables à 100% : « une recherche est effectuée par le moteur interne de Twitter, et seul le premier résultat est pris en compte » explique François Malausséna.
Malgré ces faiblesses, CollabBot se révèle être un outil précieux pour ceux qui veulent travailler avec des élus, ou pour ceux qui suivent attentivement les mouvements de collaborateurs. « Quand on constate un turn over important dans l’équipe d’un(e) élu(e), on peut se demander quelles en sont les raisons, et se renseigner avant de postuler » glisse ainsi un assistant parlementaire.
Fabrice Pozzoli-Montenay
Les derniers mouvements relevés par le @Collab_Bot :
M. Henri Leroy https://twitter.com/hleroymandelieu (sénateur LR) a une nouvelle collaboratrice
Mme MAGNE Caroline.Mme Marie-Pierre de La Gontrie (sénatrice SER) a un nouveau collaborateur
M. CONAN Sébastien.M. Lucas Margerie, collaborateur de M. Hervé Saulignac https://twitter.com/hsaulignac (député SOC), a cessé ses fonctions.
M. Fredéric Geney, collaborateur de M. Laurent Saint-Martin https://twitter.com/LauStmartin (député LREM), a cessé ses fonctions.
M. Ali Abchiche, collaborateur de M. François Pupponi https://twitter.com/fpupponi (député MODEM), a cessé ses fonctions.
Mme Lorène Kloster, collaboratrice de Mme Laurence Maillart-Méhaignerie https://twitter.com/LMaillart (députée LREM), a cessé ses fonctions.
Nominations
François LAMBERT a été nommé directeur de cabinet d’Annick Girardin, ministre de la mer.
Vincent NUYTS a été nommé directeur de cabinet de François Cuillandre, maire de Brest et président de Brest métropole.
Arnaud JAYET, ex-chef de cabinet de Jean-Baptiste Lemoyne (secrétaire d’Etat chargé du tourisme) est maintant directeur de cabinet du président du conseil départemental de la Côte-d’Or, François Sauvadet.
Alexandre RIZZON a été nommé directeur des services du cabinet de Valérie Michel-Moreaux, préfète de l’Aveyron.
William ELMAN a été nommé directeur adjoint du cabinet d’Elisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l'Égalité des chances
Dans l’actu
"Après avoir entendu la sénatrice et en conformité avec leur règlement intérieur, les sénateur.trice.s ont décidé d’exclure Esther Benbassa du groupe parlementaire à compter du 15 septembre" a indiqué le groupe Ecologiste, Solidarité et Territoires du Sénat. L’UNSA (syndicat des collaborateurs/collaboratrices parlementaires) a réagi en rappelant que “Les partis politiques ont un rôle à jouer contre le harcèlement au travail, y compris pour inciter leurs représentants élus au respect de la loi, en instaurant des règles internes en ce sens et des sanctions.”
Début du procès d’Alexandre Benalla le 13 septembre : l’ancien chargé de mission à l’Elysée est accusé d’avoir brutalisé un couple lors des manifestations du 1er mai 2018 et d’utilisation frauduleuse de passeports diplomatiques.
L’ancienne déontologue de l’Assemblée nationale, Agnès Roblot-Troizier, revient sur son travail dans un entretien au site Actu Juridiques : “J’ai constaté avec beaucoup d’étonnement que les députés connaissent très mal les règles qui s’appliquent à eux.”