Entourages n°29 : Vie privée et vie publique des conseillers, pas de limites ? - Décès d’un élu : quelles conséquences pour ses collaborateurs ? - nominations
La lettre des métiers politiques
Cette semaine dans Entourages :
☑«Vivre ou ne pas vivre», telle est la question du conseiller politique
☑Décès d’un élu : quelles conséquences pour ses collaborateurs ?
☑Députés-employeurs en fin de législature
☑Le “Guide de la communication publique numérique”
☑Les nominations
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«Vivre ou ne pas vivre», telle est la question du conseiller politique
Dans le monde politique, on parle aisément de « camarades », de « famille politique », on se tutoie rapidement, si ce n’est immédiatement. Autant d’usages qui témoignent du caractère exceptionnel du milieu politique : on y insère de l’intime, du relationnel, de l’affectif. C’est ainsi qu’un des premiers défis de la vie de collaborateur politique - qu’on soit à Paris, à Bruxelles, auprès d’un maire, d’un président de région, à l’Assemblée… - est le délicat équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle. Cette difficulté, j’en ai moi-même fait l’expérience en tant que conseillère politique : en confrontant mon vécu avec celui d’autres collaborateurs dans le podcast Les Ombres, j’ai compris que nous faisions face aux mêmes problématiques quotidiennes. J’ai essayé d’en comprendre les raisons.
D’abord, parce que la politique, est un métier de passion, de vocation, d’émotion, de partage. Inévitablement, il engage un peu de nous-même, voire beaucoup. On y arrive la plupart du temps par militantisme, on est embauché pour ses convictions, on est souvent formés au sein des groupements politiques de jeunesse, à droite comme à gauche. On y tisse nos amitiés. Celles-ci font même partie de l’engagement politique dans son ensemble : le « sens du parti » repose aussi sur notre capacité à accompagner nos camarades, nos collègues, dans leurs événements personnels - naissances, mariages, enterrements. La politique nous a rassemblés, et nous avons la politique en commun. C’est ainsi que dans le métier de collaborateur, le personnel intervient forcément : en témoigne d’ailleurs la blessure ou le sentiment de trahison que peut provoquer le départ d’un conseiller à son élu, ce qu’on ne retrouve dans aucun autre milieu professionnel sauf exception.
Si la frontière entre vie privée et vie publique n’est pas toujours facile à gérer, c’est aussi parce que la politique est par essence totalisante, intégrée. C’est plus qu’un simple métier : on y met ses tripes. Si on est investis dans un appareil politique, machine à instances, on peut vite faire rythmer notre semaine aux tambours de la politique : accompagner son élu la journée, le soir animer le comité local, départemental, ou encore la commission de résolution des conflits, le week-end être en manifestation ou en campagne… On peut y consacrer tout son temps : on traite potentiellement de toutes les choses de la vie collective, donc tout ce qui nous entoure est inversement matière à penser, à travailler, à élaborer des stratégies… sans limites.
La politique, ça ne s’arrête donc jamais. Fatalement, les professionnels à son service, pas vraiment non plus, ce qu’on voit très bien dans la série The West Wing (Aaron Sorkin, 1999) qui filme les conseillers du Président en flux tendu, jour et nuit. Les ombres des élus sont soumises à la temporalité politique : certaines collaboratrices vont jusqu’à calculer leurs grossesses en fonction des élections. Au quotidien, les personnes avec qui les collaborateurs « traitent » sont les militants, qui commencent leur activité politique quand on est censé avoir fini la nôtre ; les journalistes, qui bouclent à toute heure ; les élus eux-mêmes, qui veulent souvent, et de plus en plus, réagir et communiquer à chaud ; ou les autres collaborateurs, qui ont la même amplitude horaire que nous. Phénomène que les chaînes d’info en continu ou les messageries instantanées n’ont pas manqué de renforcer. Les conseillers en communication sont particulièrement exposés à ce flot médiatique, et, contrairement à leurs homologues dans le privé, ils sont tenus de répondre, peu importe le moment, pour ne pas être frappé le lendemain d’un « telle institution ou tel élu n’a pas voulu répondre » dans l’article.
Ainsi, notre métier finit par nous définir. Plus qu’un travail, il devient une identité. D’ailleurs, cela transparait dans le langage : on utilise allègrement le « on » pour qualifier l’entité solide qu’est devenue l’élu et son entourage vers l’extérieur - « oui, on sera bien aux Universités d’été ». On s’efface, on fusionne. En témoigne la facilité avec laquelle la politique peut coloniser notre vie personnelle au détour des conversations les plus anodines : quand on raconte ce que l’on fait « dans la vie », on s’expose au mieux à un débat politique qu’on n’avait pas forcément et toujours envie d’avoir dans des cercles privés ; au pire à une défiance, qui n’est autre que la défiance vis-à-vis du politique en général. Celle-ci se traduit parfois même en pure discrimination : un ami et ancien conseiller politique, employé au sein d’un parti, s’est ainsi déjà vu refuser un logement au regard de son engagement.
Cette organisation propre au métier de collaborateur, dictée par la contamination du professionnel par le personnel, dictée aussi par le degré d’engagement militant dont on peut faire preuve et la charge inhérente à la fonction, peut assez facilement mener au surmenage. Le récent papier de Yann Bouchez dans Le Monde, qui donne comme rarement la parole aux assistants parlementaires, en fait état. Un collaborateur témoigne « des punchs dans la gueule, des horaires à la con, des députés qui nous engueulent sur tout »
De la vocation au burn-out, des relations les plus intimes aux plus malsaines, d’une vie d’engagement à l’effacement de soi, il n’y a qu’un pas. Voilà ce qu’implique la vie très spéciale des collaborateurs politiques.
Mahaut Chaudouët-Delmas, ancienne conseillère politique, chargée d’études au Haut conseil à l’égalité.
Décès d’un élu : quelles conséquences pour ses collaborateurs ?
La relation du collaborateur et de l’élu repose sur un lien de confiance particulier. Le sort du collaborateur est ainsi étroitement lié à celui du mandat de l’élu qui peut prendre fin lors d’une élection ou malheureusement lors de son décès. Quel sera alors le sort de son collaborateur ?
Il faut distinguer la situation des collaborateurs des élus locaux de celle des collaborateurs des parlementaires, leur statut étant strictement différent.
En effet, les premiers sont des agents publics contrairement aux seconds qui bénéficient d’un contrat de travail de droit privé.
Au sein même des collectivités territoriales, il existe en outre deux sortes de collaborateurs : les collaborateurs de cabinet, rattachés à l’autorité territoriale et les collaborateurs de groupes d’élus, ne pouvant être recrutés qu’au sein de certaines collectivités, en fonction de leur nombre d’habitants.
Le cadre juridique applicable à chacun de ces agents diffère et en conséquence leur sort à la fin du mandat des élus.
S’agissant des collaborateurs de cabinet des élus locaux, l’article 6 du décret n°87-1004 du 16 décembre 1987 prévoit que « les fonctions de collaborateur de cabinet prennent fin au plus tard en même temps que le mandat de l'autorité territoriale qui l'a recruté ».
La fin du mandat de l’autorité territoriale entraîne donc automatiquement la fin des fonctions de son collaborateur. Ainsi, elles prendront fin en cas de décès de l’élu (JCP A, « Clarifier le recrutement des collaborateurs de cabinet : un enjeu démocratique », Sébastien Bénétullière, n° 19-20, 10 mai 2021, 2159).
Par ailleurs, le collaborateur de cabinet dont les fonctions prennent fin au terme du mandat de l’élu, notamment lors de son décès, n’a pas droit à une indemnité de licenciement (Rep. Min, Question Sénat n°02965 du 20 décembre 2007).
S’agissant des collaborateurs de groupes d’élus, s’ils sont également des agents publics, ces derniers sont rattachés à un groupe d’élus de l’assemblée locale et non à un élu spécifique. En outre, contrairement aux collaborateurs de cabinet, ils peuvent bénéficier d’un contrat à durée indéterminée en application de l’article 110-1 de la loi du 26 janvier 1984. Le contrat des collaborateurs de groupe d’élus survit donc à la fin du mandat des élus, et ce, jusqu’à ce que les nouveaux groupes soient formés.
Restent les collaborateurs des assemblées parlementaires qui relèvent d’un statut distinct. Ce sont des salariés de droit privé soumis au code du travail, leur employeur étant le parlementaire lui-même. Ils peuvent bénéficier d’un contrat à durée déterminée ou indéterminée qui perdura en cas de réélection du parlementaire, mais sera toutefois rompu en fin de mandat. Comme pour le collaborateur de l’autorité territoriale, le sort du collaborateur parlementaire est donc lié au mandat de l’élu.
L’article 19 de la loi n°2017-1339 du 15 septembre 2017 prévoit d’ailleurs que la cessation du mandat du parlementaire constitue un motif de licenciement du collaborateur reposant sur une cause réelle et sérieuse et que dans ce cadre, le collaborateur bénéficie, d’une indemnité compensatrice de préavis, d’une indemnité compensatrice de congé et d’une indemnité de licenciement. S’agissant du décès du parlementaire, on sait que les articles LO176 et LO319 du code électoral prévoient que c’est le suppléant qui succède au député ou au sénateur. Toutefois, compte tenu d’une part de la nature du contrat conclu avec le parlementaire intuitu personae et d’autre part la circonstance que le mandat du parlementaire ne constitue pas une « entreprise » au sens du code du travail, il n’y a aucune continuité de l’activité.
Les fonctions du collaborateur prendront logiquement fin au décès du parlementaire, même en cas de remplacement du parlementaire par son suppléant (CA Grenoble, 2 juin 1986, n°2128/85). En revanche, aucune disposition législative ou juridiction ne s’est encore prononcée à notre connaissance sur les indemnités à verser au collaborateur dans une telle situation.
En tout état de cause, dans l’ensemble de ces hypothèses, il s’agit d’une perte involontaire d’emploi ouvrant droit à l’allocation chômage d’aide de retour à l’emploi.
Lucie Lefébure
Avocat à la Cour
Cabinet Seban et associés
Députés-employeurs : une fin de législature sans flonflons
Le président de l’association des députés-employeurs (ADE), Michel Larive (FI) a mené un dernier échange vidéo avec les organisations représentant les collaborateurs parlementaires de l’Assemblée nationale. Une ultime (?) occasion de faire le bilan de la législature : si le travail des collaborateurs est nettement mieux défini qu’il y a cinq ans, avec en particulier l’établissement d’une fiche métier et une reconnaissance partielle de l’ancienneté, il n’a pas été possible de mettre en place une grille salariale, suite à l’avis négatif des députés-employeurs.
Astrid Ribardière, secrétaire générale adjointe du syndicat Unsa Uscp, regrette ce blocage, qui aboutit selon elle à un “manque de transparence”, et elle relève qu’il existe toujours un “déséquilibre homme/femme dans les salaires des collaborateurs parlementaires, alors qu’il y a plus de femmes à ces postes”. Un débat qui reprendra sans doute… lors de la prochaine législature.
FPM
Publication du “Guide de la communication publique numérique”
Franck Confino, consultant numérique, et Benjamin Teitgen, directeur de la communication du département d'Ille-et-Vilaine, viennent de publier “un guide de la communication publique numérique” extrêmement complet et clair, avec de nombreuses contributions d’experts.
L’ouvrage aborde de façon opérationnelle les enjeux, les étapes de la mise en place d’une stratégie numérique, l’établissement des documents de cadrage, la mise en place de l’organisation, et l’optimisation des supports : des démarches qui seront utiles à tous les dircoms en collectivités.
L’ouvrage (208 pages) peut être commandé en ligne sur le site des éditions Territorial :
https://boutique.territorial.fr/guide-communicat-option.html
Nominations
Collectivités
Sylvia Skoric est nommée cheffe de cabinet du maire de Marseille (13), Benoît Payan (PS), en remplacement de Rémi Darmon. Hervé Marchand a été nommé directeur de la communication en remplacement de Sandra Rossi. Il était dircom de la ville de Clermont-Ferrand depuis 2015.
Richard Szwajcer est nommé directeur de cabinet du maire de Dinard (35), Arnaud Salmon (DVD).
Pierre Cliquet est nommé directeur de la communication de la vile d’Eaubonne (95).
Sébastien Colombel est nommé directeur de cabinet du maire d’Abbeville et président de la communauté d’agglomération de la Baie de Somme (80), Pascal Demarthe (UDI), en remplacement de Fabien Hecquet.
Marie-Charlotte Mallard a été nommée directrice de la communication de la ville de Trappes (78).
Benjamin Teitgen est nommé directeur de la communication du conseil départemental d’Ille-et-Vilaine.
Bastien Bertels est nommé collaborateur de cabinet de la maire du 7e arrondissement de Paris, Rachida Dati (LR).
Olivier Gangnard a été nommé directeur de la communication et de la promotion du territoire de l’EPT de Plaine Commune (93).
Gouvernement
Joachim Bokobza est nommé directeur de cabinet du ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité, Franck Riester, en remplacement de Lucie Muniesa.
Richard Senghor, conseiller spécial depuis 2019, est nommé directeur de cabinet du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, Jean-Michel Blanquer, en remplacement de Thierry Ledroit.
Ce qu’ils deviennent
François-Xavier Séché, ex-directeur de cabinet adjoint du maire d’Angers (49), est nommé directeur du Centre des congrès d’Angers.
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