Entourages n°27 : la désillusion des réseaux sociaux, Les Ombres, nominations
La lettre des métiers politiques
Cette semaine dans Entourages :
La campagne numérique 2022 vue par Nicolas Vanderbiest
“Les Ombres”, un podcast sur les collaborateurs politiques
Les nominations
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Nicolas Vanderbiest : "Dans cette campagne, il y a une désillusion des réseaux sociaux"
Nicolas Vanderbiest est le fondateur du cabinet d’études Saper Vedere. Spécialiste des phénomènes d'influence et de la communication politique, iI porte un regard très critique sur la campagne numérique 2022.
Entourages : Vous avez publié une série de messages sur la campagne numérique des candidats à la présidentielle, et concernant Twitter, vous concluez que les équipes font « le strict minimum ». Quelles sont les principales différences entre 2017 et 2022 ?
Nicolas Vanderbiest : Les forces en présence ne sont pas du tout les mêmes. En 2017, Twitter était vu comme un enjeu énorme : tout le monde voulait être présent, parce qu'on ne savait pas très bien quel candidat pouvait émerger. Chaque parti avait sa cellule de riposte, s'attaquait l'un l'autre, il y avait de la désinformation dans tous les sens, les journalistes étaient extrêmement présents et représentaient un gros enjeu. Il y a cinq ans, il y avait des structures militantes solides, certaines visions, et de l'investissement. Cette année, on a le sentiment qu'il y a une désillusion des réseaux sociaux et du numérique. Prenons Twitter. Pour une équipe de campagne, Twitter est intéressant pour influencer le débat. Vous allez tenter d’y disséminer vos sujets. Avec l'Ukraine, c'est devenu impossible. Il y a peu moyen, en dehors du pouvoir d'achat et de l'actualité de la campagne, de parler d'autres sujets. Donc on ne peut pas influencer la campagne par Twitter.
Le deuxième intérêt de Twitter est de viser les journalistes car ils y sont très présents. Mais Emmanuel Macron n'a pas besoin de Twitter pour s’adresser aux journalistes, il est président, dans une campagne-éclair où il n'a pas intérêt à être trop présent. Par ailleurs, on lui a interdit l'utilisation de son propre compte Twitter, sa principale force de frappe.
Troisième utilisation : la riposte. Je suis frappé de voir qu’il y a très peu de désinformation à l'heure actuelle, c’est très différent de 2017. Les plateformes ont mis en place tout une série de mesures (messages d’avertissement par exemple), et il est devenu compliqué de faire des campagnes de désinformation. Il y a aussi des cellules de fact-checking qui fonctionnent assez bien, avec de vraies audiences. Les équipes de riposte sont donc finalement très peu présentes.
- Les messages politiques sur Twitter s'articulent-ils plus autour d'événements réels de la campagne (meetings, émissions TV, marches...) ?
Il ne suffit plus de balancer un truc sur les réseaux sociaux pour être entendu. Il faut donc créer une situation qui amène de la visibilité presse. C'est ce qu'on appelait le "phygital", une présence physique que l'on déploie numériquement pour exister de manière globale.C'est la principale utilité d'un meeting. Il a pour but de montrer des troupes qui bougent, une dynamique. Valérie Pécresse est complétement exposée sur cet aspect car elle a raté son meeting et ses discours. Zemmour a su articuler les différents meetings, mais le ralliement de Marion Maréchal a été peu vu car il avait explosé son temps de parole.
- L'évolution de l'encadrement technique et juridique des plateformes depuis 2017 ne serait pas un facteur significatif dans leur perte d'influence ?
Non, ça ne me semble pas être la raison. C'est surtout le grand public qui est ailleurs, et ne participe pas à la campagne. Aujourd’hui, cela se joue sur la volumétrie. Mélenchon a toujours sa communauté, très forte et installée. Zemmour est nouveau dans le paysage mais a récupéré les équipes numériques de Fillon et du RN, et ils sont très actifs. C'est aussi le candidat qui a le plus pensé sa stratégie : il a sa cellule riposte numérique, il tente de bouger sur les « trendings topics », dispose de comptes spécialisés, ce qui est à souligner. Avec aussi des stratégies de faux comptes. Mais cela n'a pas fortement fonctionné et il paye le fait d'être nouveau, de ne pas avoir eu de parti au départ, d'un manque de structure de ses réseaux militants.
L'autre perte est chez Emmanuel Macron. Il n'a plus la même présence en termes de soutien. En 2017, il avait une vraie cellule avec des communicants, une équipe "riposte"... Mais il n'a plus aucun intérêt à être présent ou à bouger dans ces champs-là.
Si on regarde les budgets réseaux sociaux, il ressort clairement que la majorité présidentielle dispose d’une galaxie de comptes assez bien établis sur Facebook qui font le job. Ils "rallument les mèches", au niveau local et territorial.
- Pour les législatives, des responsables de campagne estiment que Facebook est l’outil à privilégier car il permet de mieux cibler les populations locales. Partagez-vous cette approche ?
Comme ils manquent d'outils, la plupart des partis ne comprennent pas l'architecture des réseaux et se font des films. Ils ne regardent que leurs pages avec les critères que Facebook fournit, et en ont une vision tronquée, éloignée de la réalité. C'est parce qu'ils sont complètement aveugles sur Facebook qu'ils ont une image de rêve d'une audience qui serait non militante, qu'ils pourraient glaner... ce qui est totalement faux. Quand on leur montre la réalité des données, ils se rendent compte des éléments.
En communication, on distingue le "paid" (payé), le "owned" (les contacts que je possède), et le "earned" (les contacts que je gagne). En Marche gère par exemple toute une galaxie de comptes sur Facebook, du fait de leur présence depuis les autres élections, donc du "owned", et ils ont une vraie stratégie avec un anglage territorial.
Le "paid" n'est plus possible en France pendant une période électorale. Et avant le 1er mars, on pouvait cibler des gens sur des caractères politiques ou sociétaux, ce n'est plus possible. On peut encore faire de la communication via le parti, mais c'est moins intéressant. C'est d'ailleurs l'astuce que Zemmour a trouvée pour continuer à faire du "paid" sur Facebook, parce qu'il démarre de loin.
Le "earned" donne l'impression que l'on va pouvoir toucher plein de "vraies gens" sur Facebook, qui ne seraient pas militants, qui posent des questions... mais en fait ces sont leurs militants. Une carte des interactions des "like" avec les pages Facebook est limpide : la communauté LR est avec les LR, les FI avec les leurs, etc. Çà me semble donc être une caricature de dire "sur Facebook ce seraient les vraies gens et les territoires" à la différence des autres social médias. Une majorité de gens sont déjà politisés, autant sur Facebook que sur les autres réseaux sociaux.
L'enjeu sur les réseaux, ce sont les swing voters, ceux qui peuvent changer leur vote. Plus on est politisé, plus on a un avis construit, et ce n'est pas une vidéo qui changera ce choix. Pour faire de belles campagnes numériques, il faut des données, de l'organisation, des mailings, des connaissances, une vraie stratégie de présence sur Twitter et Facebook... ça ne se démarre pas six mois avant. Aujourd’hui, c'est catastrophique, on se demande si certains partis ont vraiment travaillé leur campagne numérique.
Propos recueillis par Fabrice Pozzoli-Montenay
Nicolas Vanderbiest a aussi publié récemment une série d’analyses sur l’utilisation de Twitter, LinkedIn, Instagram et Facebook par l’équipe numérique d’Emmanuel Macron.
« Les Ombres » donne la parole aux collaborateurs politiques
Dans son podcast « Les Ombres », Mauhaut Chaudouët-Delmas réunit des témoignages et anecdotes pour proposer une immersion dans le quotidien des collaborateurs politiques. « C’est en entendant Raphaël Glucksman à la radio en 2017 que j’ai eu envie de m’engager, à l’époque où il fondait Place Publique » confie Mahaut Chaudouët-Delmas. En 2018, elle travaille au sein d’un parti politique, en cabinet, puis au Parlement européen. Elle découvre les exigences du métier « en terme d’engagement, de travail », et ce qu’il propose « en terme d’excitation et d’intérêt pour la chose publique ».
Côtoyant et étant elle-même collaboratrice politique, elle constate qu’« il y a a priori une grande défiance à l’égard des personnels de la politique ». Mahaut Chaudouët-Delmas s’éloigne du monde politique en 2021. Avec le recul, elle écrit « Les Ombres » pour « changer la vision que l’on a des collaborateurs ». Le podcast veut « donner la parole aux coulisses, sans fioriture ». Réalisé en six épisodes, « Les Ombres » expose les différents pans du métier. Mahaut Chaudouët-Delmas fait parler ses amis et anciens confrères du difficile équilibre entre leur vie privée et professionnelle, du sens que ce métier a pour eux, de la rédaction de discours, des déplacements ou encore de la loyauté. Pour elle, il s’agit de « s’éloigner des fantasmes » pour « raconter un métier ». « Ce sont des personnes qui, contrairement à ce qu’on pense, sont très engagées, ne comptent pas leurs heures et oeuvrent pour le bien public ». Des contraintes du métier aux « excitations » qu’il provoque, « Les Ombres » est un hommage à une réalité partagée par beaucoup et souvent méconnue.
Le podcast « Les Ombres » est disponible sur Slate :
http://www.slate.fr/audio/les-ombres/
Marie Genty
Portrait : “Surkov, le metteur en scène du Kremlin”
Le “spin doctor” le plus influent de ces vingt dernières années se trouve à Moscou. Raphaël Llorca dresse dans le magazine L’Express le portrait de Vladislav Surkov, qui a forgé la doctrine de communication russe de 1999 à 2022. Surkov participe à la création de l’Internet Research Agency, un organe de propagande basé à Saint-Pétersbourg dont l’objectif est de mener des opérations d’influence en ligne d’un genre nouveau. Création de faux partis politiques, de “mouvements populaires” fantômes, de centaines de groupes Facebook qui exploitent les fractures des démocraties, Surkov est un maître du doute. “Le but n’est pas tant de créer de l’adhésion, mais du doute : qu’est-ce qui est vrai, qu’est-ce qui est faux ? Qui est vraiment de l’opposition, qui ne l’est pas ? Comme le disait Hannah Arendt de la propagande totalitaire, la confusion épuise les capacités à réagir et décourage les velléités d’opposition” “écrit Raphaël Llorca.
Giuliano da Empoli, lui-même ancien spin doctor du premier ministre italien Matteo Renzi, s’est librement inspiré de Surkov pour son roman Le Mage du Kremlin, à paraître le 14 avril chez Gallimard.
A lire dans Stratégies, dans le numéro « Les 15 spin doctors » : https://www.strategies.fr/actualites/medias/LQ378576C/surkov-le-metteur-en-scene-du-kremlin.html
Visioconférence : “Plume politique, c’est quoi au juste ?”
La Guilde des plumes organise une visioconférence le vendredi 8 avril 2022 de 8h30 à 10h, avec Anne Pedron-Moinard, Alexandra Fresse-Eliazord, Marine Lambert, sur le travail des “plumes politiques”. Les plumes de ministres travaillent-elles de la même façon que les plumes d’élus locaux ? Doit-on être la plume d’un individu ou celle d’un projet politique ? Comment être recrutée comme plume ? Peut-on cumuler cette fonction avec un poste de conseiller ou de directeur de cabinet ? En tant que plume indépendante, peut-on collaborer avec des élus ?
La rencontre est réservée aux membre de la Guilde, l’inscription se fait en ligne :
https://www.linkedin.com/events/plumepolitique-c-estquoiaujuste6910105863940698112/
Dextera se cherche une nouvelle tête
Suite au départ de Ludivine Vanthournout (voir Entourages n°26), l’association Dextera, qui regroupe plusieurs centaines de collaborateurs de cabinet de droite et du centre, organise une Assemblée générale élective par voie électronique le 1-2-3 avril 2022. Renseignements auprès de Pierre-Marc Dufraisse, secrétaire général de l’association.
Emploi : Le département de l’Allier recrute une plume
Sous l’autorité du directeur de cabinet, le conseil départemental de l’Allié recrute un chargé de mission, qui aura en charge la rédaction des discours, éléments de langage, notes éditos et tribunes.
Poste basé à Moulins.
Pour consulter l’offre : https://www.linkedin.com/feed/update/urn:li:activity:6910637506577248257/
Nominations
Collectivités
Coline Sénéchal est nommée directrice de cabinet du maire de Wingles (62), Sébastien Messent (SE). Elle était collaboratrice parlementaire au Sénat depuis 2019.
Romain Beniada a été nommé directeur de cabinet du maire de Chelles (77), Brice Rabaste (LR). Il était directeur de cabinet du maire de Neuilly-Plaisance depuis 2020.
Nathalie Arys, responsable communication, est promue directrice communication et rayonnement de la ville de Villeneuve-d’Ascq (59).
Parlement
Eric Daubechies a été nommé collaborateur parlementaire du député de la Creuse, Jean-Baptiste Moreau (LaREM).
Marion Payet est nommée collaboratrice parlementaire de la députée de La Réunion, Karine Lebon (GDR).
Aurélie Gadjendra est nommée collaboratrice parlementaire de la députée du Gard, Françoise Dumas (LaREM).
Melchior Delavaquerie est nommé collaborateur parlementaire du député de l’Essonne, Robin Reda (LR).
Gouvernement
Éléonore Leprettre, cheffe de cabinet du ministre délégué chargé des relations avec le Parlement et de la participation citoyenne, Marc Fesneau, est nommée conseillère auprès du ministre délégué.
Ce qu’ils deviennent
Laurent Guyot, conseiller en charge de la communication du président et des relations avec les collectivités de la communauté de communes du Pays d’Ancenis (44), est nommé directeur de l’Association des maires et présidents d'intercommunalité de Loire Atlantique.
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