Entourages n°22 : Jérôme Lavrilleux, le dircab qui met les mains dans le cambouis ; Combien de collaborateurs dans les établissements publics administratifs ? Nominations
La lettre des métiers politiques - vendredi 18 février 2022
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Jérôme Lavrilleux : “le dircab est le garde du corps ultime”
Révélé au grand public par l’affaire Bygmalion, Jérôme Lavrilleux a été le directeur de cabinet de Jean-François Copé de 2004 à 2014, de la mairie de Meaux à la présidence du groupe UMP à l’Assemblée nationale. Un travail auquel il s’est donné corps et âme, presque littéralement. En reconnaissant publiquement que les comptes de campagne de Nicolas Sarkozy dépassaient le plafond autorisé, le « dircab modèle » est devenu en une nuit un paria infréquentable pour sa famille politique.
Il vient de publier « Pour une fois, il n’y avait pas d’argent liquide » (ed. l’Archipel), dans lequel il raconte son parcours, et les coulisses de son métier. Pour Entourages, il revient sur la relation qui existe entre le directeur de cabinet et « son » élu.
Entourages : Directeur de cabinet est un métier qui demande des compétences législatives, techniques, d'organisation, or c'est un métier pour lequel il n'existe pas de formation. Comment le définiriez-vous ?
J’ai appris le métier de directeur de cabinet le soir de l'élection du maire de Saint-Quentin (02), en 1995. Vous vous formez sur le tas, et vous n'avez pas le droit à l'échec. Il n'existe ni formation, ni fiche de poste standard, car tout dépend de la manière dont vous le faites, et de la relation avec votre patron. A tel point que les gens confondent toujours chef de cabinet et directeur de cabinet. Preuve qu'il y a autant de métiers différents que de postes : le directeur de cabinet du président de la République n'a rien à voir avec le directeur de cabinet d'un ministre ou d’un élu. Le directeur du cabinet à l'Elysée n'est pas la personne la plus importante de l'administration, c'est le secrétaire général. Alors que dans un cabinet ministériel ou d'élu, le plus important, en dehors de l'élu, est le directeur de cabinet.
Je suis un peu atypique, car je n'ai pas fait de grande école, Sciences-Po, ou l'ENA, et j'ai quasiment toujours dirigé des gens qui étaient bac+5 ou bac+7, ou venant de grandes écoles. Et ça ne m'a jamais posé de problème existentiel.
Et cela ne leur posait pas de problème ?
J'avais un avantage : comme j'ai fait tous les échelons, tout ce que je demandais à un collaborateur, je l'avais déjà fait. Et je n’ai pas eu beaucoup de turn-over de collaborateurs. Certains disent que j'étais exigeant, mais vous n'en rencontrerez pas beaucoup qui diront du mal de moi. Chacun devait faire son boulot, mais je n'étais pas dans la catégorie des inquiets et des caractériels. Je n'élevais jamais la voix : pas besoin de gueuler pour se faire respecter et faire le travail. Je n'arrivais pas, sortant de ma grande école, ou bombardé directeur de cabinet du préfet, en n’ayant jamais fait autre chose que l'ENA. A la base, je suis un militant. Je n'ai jamais été impressionné par le fait de travailler dans une belle mairie ou dans un beau palais, je ne faisais pas ça pour les ors de la République.
Vos proches me disent que vous étiez un bourreau de travail, effectuant des journées de 19h d'affilée ?
A l'Assemblée nationale, j'arrivais vers 6h30 et je repartais vers 2h du matin. 6h30, parce que le seul moment où je pouvais travailler tranquillement était le matin de bonne heure ; 2 heures du matin, parce que c'était l'heure de la fin des séances, et comme j'étais souvent au pied de l'hémicycle pour essayer que ça se passe bien… voilà. Ce n'est pas un métier que vous pouvez faire en dilettante.
On assiste à une professionnalisation des entourages politiques, avec des profils moins militants et des gens qui mènent leur carrière dans l'accompagnement des politiques. Que pensez-vous de cette évolution ?
Ce n'est pas une très bonne évolution. Le mot "mercenaire" serait un peu fort. Mais les collaborations sont de plus en plus courtes. Le collaborateur passe d'un élu à un autre. Je trouve que ce n'est pas bien. Xavier Bertrand m’a remis ma carte d’adhérent du RPR en 1989. Je suis devenu directeur de cabinet le 18 juin 1995 quand on a gagné la mairie de Saint-Quentin. En presque 30 ans de carrière, je n'ai eu que deux patrons : le maire de Saint-Quentin et Jean-François Copé. C'est peut-être pour cela que je suis atypique. Il doit se nouer une relation de confiance, cela prend du temps et cela se vérifie dans le temps.
Voilà une phrase qui peut faire tiquer.
Pourquoi ?
Parce qu’on vous reproche d'avoir rompu la confiance au sein de votre famille politique.
Si vous faites allusion à l’affaire Bygmalion, j'ai fait ce que mon devoir m'imposait de faire, qui était de protéger mon patron. Au tribunal, on m'a demandé "pourquoi n'en avez-vous pas parlé à Jean-François Copé quand vous avez eu connaissance des comptes qui explosaient ?" Si je lui en parlais, je le forçais à mettre fin à la campagne électorale, et il était la cause d'un problème politique majeur; et s'il ne disait rien j'en faisais un complice. En ne lui en parlant pas, je l'ai protégé. C'est le boulot d'un directeur de cabinet. Et à la fin, il n'a pas été mis en examen dans cette affaire. Contrairement à Nicolas Sarkozy.
Tous les directeurs de cabinet affirment que la relation de confiance avec l'élu est fondamentale. Vous avez été d'une fidélité exemplaire avec vos élus. Mais au sein de votre famille politique, vous dites vous-même que vous êtes devenu un paria.
Je suis devenu un paria parce qu'il y a une forme de force centrifuge : quand quelqu'un se fait prendre, vous l'éliminez pour pouvoir continuer. C'est le jeu. Tous ceux qui ont participé aux meetings voyaient bien la débauche de moyens, et ont fait semblant de ne pas se poser de question. Il a été facile de trouver le bouc émissaire.
Cette notion de confiance entre un dircab et son élu peut entraîner des situations ambigües, l'élu mettant parfois ses collaborateurs dans une situation impossible.
C'est le boulot du dircab : il est le garde du corps ultime. C'est celui qui doit se prendre une balle à la place de son patron. Et si c'est un critère pour évaluer si j'étais un bon dircab, j'ai la prétention de penser que oui. Mon patron a eu des problèmes, mais ce n'est pas lui qui en a payé les conséquences. Des gens qui ont fait des grandes écoles auraient peut-être fonctionné différemment.
Ceux qui entament ce parcours professionnel, avec un profil moins militant, n'ont peut-être pas envie de “prendre des balles” à la place de l'élu ?
Est-ce que cela en fera de meilleurs directeurs de cabinet ? Je ne sais pas. Il y a quelque chose qui ne s'apprend pas forcément dans les écoles. Je recherchais, dans les collaborateurs que j'embauchais, ce que l'on appelle le sens politique. Un directeur de cabinet n'est pas un simple organisateur en chef. Il faut avoir du sens politique, savoir ce qu’est une élection et la gagner. J'en ai gagné quatre. J'ai vu les deux côtés de la barrière. Quand j'étais dircab de Copé, je cumulais les fonctions de directeur de cabinet et de conseiller politique. Et de garde du corps.
Un profil politique n'est pas obligatoire pour le chef de cabinet : ce dernier gère les déplacements, les agendas... Il peut être un excellent technicien. Si un dircab n'a pas de sens politique, il fera très bien des choses techniques, mais je ne sais pas s'il sera un bon conseiller politique. Un ministre prendra alors le soin de nommer à son côté un conseiller spécial, plus politique. Regardez par exemple Edouard Philippe et Gilles Boyer, son conseiller spécial.
Dans votre livre, vous mettez en lumière le côté parfois très mesquin des luttes internes dans un parti : les chicaneries, les chausse-trappes, auxquelles vous avez activement participé. Des lecteurs peuvent se demander si c'est ça le métier de dircab au quotidien ?
Il faut que quelqu'un mette les mains dans le cambouis. Il vaut mieux que ce soit le dircab que l'élu. Cela fait partie du métier. Les luttes sont souvent plus féroces en interne que vis à vis d'un adversaire politique. Vous ne le faites pas par plaisir, mais il y a des choses qui sont nécessaires. Les grands élus vivent pendant 20,30, 40 ans ensemble, avec des hauts et des bas, des alliances, des guerres internes... Ils ne sont pas des machines. Ils ont des caractères, des défauts. C'est vieux comme le monde. Edouard Herriot disait "la politique, pour que ce soit bon, c'est comme l'andouillette, il faut que ça sente la merde, mais pas trop".
Vous avez été député européen, vous y avez trouvé une configuration très différente ?
Les médias se contrefichent du boulot que font, ou pas, les députés européens français, ce qui est très différent dans les autres pays. C'est un avantage et un inconvénient. En Allemagne, le moindre texte voté au Parlement européen donne lieu à un reportage à la TV, à la radio... Du coup en France, que vous bossiez ou pas, personne ne s'en rend compte.
A l'Assemblée nationale, mon travail était parfois de faire signe à nos députés de rester calme et de ne pas prendre la parole pour que les textes soient votés le plus vite possible. Et de dire à Olivier Faure, mon homologue de gauche à l'époque, "cause toujours, on s'en fiche". Alors qu'au Parlement européen, si je voulais que les textes dont j'étais rapporteur soient adoptés, je passais mon temps à les négocier avec les Verts, les communistes… A l'Assemblée je ne leur aurais même pas parlé. Les textes votés au Parlement européen ne représentent jamais le texte d'origine : ils représentent, peu ou prou, un texte qui recueille 70% des opinions politiques des Européens. C'est beaucoup plus démocratique.
Aujourd’hui, vous n’avez plus de mandat. Mais vous gardez clairement un goût pour la chose politique.
Ma passion actuelle est d'aider des chefs d'entreprise ou des élus qui ont de gros projets, via ma société de conseil PACAP (Process d'Appropriation par le Citoyen de l'Action Publique ou Privée). Lorsqu'on a un projet structurant, utile, vous mettez trois fois plus de temps en procédures administratives qu'en construction, et vous pouvez vous trouver face à des levées de boucliers alors qu'il y a création d'emplois. Comment associer la population à ces projets pour que la greffe prenne ? C'est de la politique au sens noble du terme.
Propos recueillis par Fabrice Pozzoli-Montenay
Si le livre accroche le lecteur sur le dossier Bygmalion, c’est avant tout un descriptif détaillé, argumenté, de vingt années consacrées à travailler comme directeur de cabinet. Depuis la mairie de Saint Quentin jusqu’au Palais Bourbon, Jérôme Lavrilleux a été un dircab que tous ceux qui l’ont cotoyé décrivent comme efficace, travailleur, dévoué et doté d’un redoutable sens politique. Et il raconte, avec une certaine férocité, son quotidien : la lutte sans merci au sein de l’UMP entre Fillon et Copé, sous le regard narquois du président Sarkozy. Les média training, les relations et manipulations avec les journalistes politiques, les guerres d’influences, votes des militants, élections, campagnes internes, coups fourrés et réunions publiques… tout est présenté sans fioritures. “J’ai été l’artisan de la chute de Xavier Bertrand, qui avait été mon premier mentor, mon ami et mon témoin de mariage. J’étais celui qui venait de briser son ambition de devenir Premier ministre en cas de réélection de Nicolas Sarkozy. Ainsi va le monde politique : il n’y a pas d’amitié qui tienne”. Une franchise dans la brutalité qui tranche avec les discours lénifiants.
Condamné dans l’affaire Bygmalion, Jérôme Lavrilleux rappelle que ce dossier “n’avait donné lieu à aucun détournement d’argent. Dire la vérité a fait de moi un paria au sein de mon ancien parti» ; il a reconnu sa responsabilité dans l’organisation des méga-meetings de la campagne 2012 . C’est, peut-être, ce que certains ne lui pardonnent pas.
FPM
Droit
Collaborateurs de cabinet des élus des établissements publics administratifs : quels plafonds ?
Dès l’adoption de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires applicables à la fonction publique territoriale, l’article 110 a comporté un plafonnement des effectifs de collaborateurs autorisés.
Dans sa décision n° 83-168 DC du 20 janvier 1984, le Conseil constitutionnel a censuré la disposition, en tant que le pouvoir de fixation des seuils avait été confié au décret sans ouvrir la possibilité pour toutes les collectivités. C’est ainsi que les dispositions ont été réintroduites, mais uniquement en prévoyant qu’un décret fixerait un nombre maximal de collaborateurs au vu de seuils démographiques. Les éléments de débats parlementaires accessibles étant focalisés sur l’exclusion possible de certaines communes du fait de leur importance démographique, il n’en ressort pas la motivation précise du législateur dans la fixation de maximas.
Si elle n’est pas expressément formulée (mais on peut supposer qu’elle s’entend d’une volonté de maîtrise de la dépense publique), le fait est en revanche qu’il existe un plafonnement des effectifs qui ne fait pas référence à un nombre d’emplois budgétaires (auquel cas un emploi pourrait être partagé entre plusieurs personnes) mais à un nombre réel de personnes, quelle que soit la durée de service (cf. Réponse à la question n°11126, JOAN du 22 juin 1998).
Dans les communes, les départements et les régions, le décret fixe le maximum suivant le nombre d’habitants. Par exemple, dans une commune, l’effectif est d’un collaborateur entre 0 et 20.000 habitants, de deux à partir de 20.000 et jusqu’à 40.000, puis d’une personne supplémentaire par tranche de 1 à 45.000 habitants jusqu’à 400.000, et d’encore une par tranche de 1 à 80.000 lorsque la Commune compte plus de 400.000 habitants.
En revanche, dans les établissements publics administratifs, le décret précise un plafond qui ne dépend pas du nombre d’habitants présents sur le territoire d’intervention de l’établissement mais du nombre d’agents de l’établissement.
Il en ressort :
- A l’article 13, un plafond fixé à un collaborateur pour un effectif jusqu’à 200 et deux collaborateurs maximum au-delà ;
- A l’article 13-1, pour certains établissements publics de coopération intercommunale, un effectif maximum des collaborateurs du cabinet du président d’un conseil de métropole, de communauté urbaine ou de communauté d'agglomération d’une personne pour un établissement employant moins de 200 agents, de trois personnes pour un établissement employant de 200 à moins de 500 agents, de deux personnes supplémentaires pour chaque tranche additionnelle de 1 à 500 agents lorsque l'effectif est de 500 à 3.000 agents et d’une personne pour chaque tranche supplémentaire de 1 à 1.000 agents lorsque l'effectif est supérieur à 3.000.
Autrement dit, la multiplicité des champs de compétence des uns et des autres trouve écho dans la géométrie variable des plafonds en vigueur, sans que la nature règlementaire du texte ne permette de comprendre plus avant les conditions de détermination de ces seuils qui, en tout état de cause, doivent être scrupuleusement respectés.
Marjorie Abbal
Avocat à la cour
Cabinet Seban et Associés
Sénat : quatre années de consultation numérique des élus locaux
Quatre ans après la mise en place de la plateforme interactive de consultation des élus locaux, le Sénat a dressé un premier bilan : l’outil a permis de lancer 22 consultations auprès des élus locaux, pour le compte des commissions, délégations et instances temporaires. Au total, ce sont près de 40000 contributions émanant de 30000 élus que le Sénat a reçues, soit une moyenne de 1700 réponses par consultation.
6eme saison pour le feuilleton radiophonique “57, rue de Varenne”
La série politique de France Culture revient pour un sixième (et dernier ?) tour de piste. Un récit bien ficelé de politique fiction, qui raconte les coulisses du pouvoir à la française. Le créateur de la série, François Perrache, sait de quoi il parle : il a travaillé au Service d’Information du Gouvernement (SIG), avant de rejoindre l’Elysée, pendant la fin du second mandat de Jacques Chirac, où il a mis en place « le dispositif d’analyse de l’opinion sur le web ».
Pour écouter “57 rue de Varenne” :
https://www.franceculture.fr/emissions/serie/57-rue-de-varenne-de-francois-perache-saison-6-l-ordre-et-le-desordre
Un infiltré dans la campagne numérique d’Eric Zemmour
Pendant 4 mois, le journaliste Vincent Bresson a infiltré la campagne du candidat à la présidentielle Eric Zemmour. Lobbying numérique, stratégie web, propos racistes, il raconte ce qu'il a vu dans le livre « Au coeur du Z » aux éditions Goutte d’or.
Nominations
Collectivités
Fabien Hecquet a été nommé directeur de cabinet du président du conseil départemental de la Somme, Stéphane Haussoulier (DVD) en remplacement de Jérémy Visconti.
Etienne Vermersch a été nommé chef de cabinet du maire de Vertou (44), Rodolphe Amailland (LR).
Isabelle Onillon est nommée directrice de la communication de la ville de Sèvres (92). Elle était depuis 2009 directrice de la communication, et de la démocratie participative (depuis 2020) de la ville d’Andrésy (78).
Anne Morin est nommée directrice systèmes d’information, communication et relations citoyennes de la ville de Thouaré-sur-Loire (44).
Parlement
Robin Tocqueville-Perrier est nommé collaborateur parlementaire du député Thomas Mesnier (LaREM), rapporteur général de la commission des affaires sociales.
Benjamin Millo est nommé collaborateur parlementaire du député Éric Ciotti (LR).
Mickaël Chadelle est nommé collaborateur parlementaire du député Pierre Cabaré (LaREM).
Gouvernement
Alexandre Dimeck-Ghione est promu conseiller spécial au cabinet de la ministre déléguée chargée de la citoyenneté, Marlène Schiappa. Yenad Mlaraha y est nommé conseiller communication digitale.
Fabrice Jouhaud, directeur de cabinet de Roxana Maracineanu, est nommé directeur adjoint du cabinet du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, Jean-Michel Blanquer, en remplacement d’Éric Journaux.
Sarah Erault-Roig est promue conseillère technique presse au cabinet du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin.
Politique
Sylvain Guerin conseiller opinion du président de la République depuis juin 2019 rejoint, selon Politico, le pôle idées d’En Marche.
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